Judith Kaantor plasticienne

Judith Kaantor     plasticienne

PRESSE

 

Paru dans "Le Patriote" culture, 5 septembre 2008.

A son beau travail de peintre, Judith Kaantor ajoute aujourd'hui son travail de poète, l'un l'autre se fécondant. Lisant ce premier ouvrage, édité par l'Harmattan, ou les textes portés par "Souffles, La parole insoumise" par "Les dossiers d'Aquitaine", par Bacchanales, revue de la maison de la poésie Rhône-Alpes, tous ouvrages consacrés aux poètes de ce temps, le jugement s'impose: cest une écriture de peintre. Du peintre qui touche par touche édifie sur la toile, la page, ou tout autre support, limage mentalequi synthétise en elle la rencontre du réel avec la conscience active qui s'en saisit, touche après touche, mot après mot, chargeant de sens, signifiant l'accord ou la déchirure, entre le monde du dehors et celui du dedans. Jeu de miroirs rnvoyant lun à l'autre et multipliant, de lun et de l'autre désormais indissociables, les palpitations, les reflets, les lumineuses et passagères traces saisies du coin de l'oeil, "lumière gris-acier / secondes emperlées de pluie" , les remous " clapot de l'eau, temps du ressac, grondement des vagues" les marques, celles du choc, de l'affrontement " l'écorce éclatée, le jardin hérissé de piquants, l'ombre noire voguant sans voile..."

Ecriture de peintre encore, les déclinaisons de l'espace, l'espace de la page. Pas de hasard dans la disposition des signes, laquelle relève d'une architecture : blancs plus ou moins étendus entre les mots, entre les touches, les phrases, succession parfois dense d'images, de concepts,-" silence d'été / silence de palmes striées / huiles encres fusains..." qui continue et s'achève sur un ou deux mots, seuls et nus,- ainsi mis en évidence-" l'arbre échappe / éidos / final /  funambule / filesque..."  Une mise en page dont la dislocation volontaire peut à première vue, étonner et désemparer le lecteur qui pense d'abord énumération, émiettement, dispersion et s'interroge sur l'unité intérieure du texte. " Aubes en partage " dit Judith Kaantor, est la mise en écriture de mon carnet de dessins, des notes, des impressions, l'éclair, l'éclat d'un paysage, un geste, un mouvement, porteurs, passeurs d'émotions.Dans les textes les plus récents, le fil prend davantage corps, mais conserve l'intelligente utilisation de l'espace qui permer la mise en évidence, en importance, d'un signe choisi : "Palmes irrisées / du jaune au bleu / BLEU..."

Dépouillé à lextrème, ce travail sur le langage, est sans concession. Nul pittoresque, nulle sensiblerie, nulle emprise de séduction, nulle gratuité lyrique. Par conséquent, peu d'adjectifs. Une exigence qui n'empêche en rien, qui favorise au contraire et densifie la célébration du bonheur ou du malheur de vivre. Tous les sens y participent, et la mémoire et l'âme, et tous les éléments de l'univers- " Seize grenades / d'ocre rouge / ocre rose / cuir séché / fendu / éclatant leur sexe à graines de groseilles mûres ..."

Quelques textes à la première personne, je ou nous, naissent de voyages anciens - Harlem , Mali, ou Bamako  " je connus tes soleils  moiteurs  touffeurs / fleurs écloses d'après des torrents d'eau / dans tes murs d'odeurs / nous étions / " .Dépourvus d'une ponctuation que la construction de la page rend inutile, les textes sont également dépourvus de titre. Le lecteur les trouvera, pagination comprise, à la dernière page du recueil.

PAULE STOPPA


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