TEXTES
Textes du jour, prose ou poèmes, choisis au fil de mes lectures.
Ezra Pound - Mauberley
Moluques éparses
Ne sachant, jour après jour,
La fin du premier jour, au proche midi ;
L'eau placide
Non brisée du Simoun ;
Feuillage épais
Placide sous les soleils chauds,
Rives fauves
Lavées du cobalt des oublis ;
Ou à travres le brouillard de l'aube
Le gris et le rose
Des flamants
Juridiques ;
Une conscience éparpillée
N'étant que cette série
Effacée
D'intermittences ;
Esquif des voyages du Pacifique,
La plage inattendue ;
Puis sur un aviron
Lire ceci :
"J'étais
Et n'existe plus ;
Ici dériva
Un hédoniste."
Jean Giono - Jean le Bleu
« Quand on a le souffle pur, disait mon père, on peut autour de soi éteindre les plaies comme des lampes.
Mais je ne savais pas, je disais :
-Si on éteint les lampes, papa, on n’y verra plus.
A ce moment, les yeux de velours restaient un moment immobiles et ils regardaient au-delà de ma glorieuse jeunesse.
-C’est assez juste, répondait-il, les plaies éclairent. C’est assez juste. Tu écoutes beaucoup Odripano. Il a fait ses expériences. S’il peut rester jeune au milieu de nous, c’est parce qu’il est poète. Tu sais ce que c’est la poésie ? Tu sais que ce qu’il dit c’est de la poésie ? Tu le sais, fils ? Il faut le savoir. Maintenant, écoute, moi aussi j’ai fait mes expériences, à moi, et je te dis qu’il fait éteindre les plaies. Si, quand tu seras un homme, tu connais ces deux choses : la poésie et la science d’éteindre les plaies, alors tu seras un homme. »
"Le serpent d'étoiles", Jean Giono
Il est venu le grand silence. Le récitant est sans paroles, là-bas, entre les feux.
Il vient de dire les mots qui doivent faire naître l'homme. Le drame a besoin d'un homme avec ses terreurs, l'un de ceux d'avant les eaux, aux larges yeux tremblants comme des abeilles, à la bouche ouverte sur son extase.